Poussé par les enseignes de grande distribution pour lesquelles il fabrique des biscuits sucrés vendus sous marque de distributeur (MDD), et grâce auxquelles il réalise 90 % de son chiffre d'affaires, Carlos Verkaeren, président du groupe Poult, doit innover pour exister. « Les GMS gagnent mieux leur vie avec leurs MDD qu'avec les marques nationales, confie-t-il. Les enseignes nous poussent ainsi à leur proposer régulièrement des nouveautés. Or, pour être les plus innovants possibles, j'ai voulu que les 800 salariés qui travaillent dans nos cinq usines en France puissent être forces de proposition. »
Deux échelons supprimés
En 2006, Carlos Verkaeren a ainsi supprimé deux niveaux hiérarchiques dans l'organigramme du groupe. Les ouvriers, sur les chaînes de fabrication, ont gagné en autonomie et en responsabilité. Ils gèrent leur emploi du temps et les contrôles qualité, et leurs salaires ont augmenté en conséquence. De nombreuses responsabilités ayant été déléguées, les fonctions des cadres ont aussi évolué, l'objectif étant que chacun ait davantage de temps, au sein de l'entreprise, pour trouver de nouvelles idées. Ce sont désormais des collectifs qui gèrent les rémunérations, les recrutements et les investissements. Ce qui n'a pas forcément été facile à accepter pour tout le monde. « Certains cadres étaient en souffrance et sont partis, comme le DRH qui ne partageait pas cette vision des choses et n'y trouvait aucun sens, reprend le président. D'autres se sont consacrés à l'accompagnement des équipes ou se sont trouvé de nouvelles missions dans l'innovation, la logistique ou la recherche de partenariats externes. Cette nouvelle organisation donne à tous une extraordinaire possibilité de développement. »
Un incubateur interne
L'entreprise organise des séances de créativité avec tous les salariés, animées par une trentaine de coachs en innovation, recrutés en interne. Toute personne ayant une idée innovante peut y consacrer 50 % de son temps pour la développer. En 2008, deux nouvelles recettes de produits, récemment mises en marché sous marque Carrefour - un cookie avec un coeur fondant au chocolat et une tablette biscuitière au chocolat - sont par exemple sorties de cet « incubateur ». « Tous les salariés reçoivent, par ailleurs, chaque mois les chiffres du groupe, ils peuvent ainsi en suivre l'évolution, poursuit Carlos Verkaeren. Mais nous leur donnons aussi des éléments sur le marché européen et les tendances de consommation. Cela aide le processus d'innovation et permet de mieux comprendre les décisions que l'on est amené à prendre. Nous avons récemment perdu un marché et les ouvriers de la ligne concernée ont pris l'initiative de se réunir pour discuter de ce qu'ils allaient faire. »
Tous dans le même bateau
Depuis onze ans qu'il dirige l'entreprise, Carlos Verkaeren est satisfait des résultats. En 2000, 80 % des biscuits qui sortaient des lignes étaient fabriqués à la demande de la grande distribution. Aujourd'hui, 80 % sont créés à l'initiative des équipes Poult. Le groupe a produit 330 millions de paquets en 2012 et réalisé un chiffre d'affaires de 230 M€, en augmentation de 12 %, alors que le marché est globalement atone. « Nous ne nous fixons plus de résultat à atteindre, notre objectif est juste de faire mieux que l'année précédente, conclut le président. Nous avons réussi à convaincre tous les salariés que nous sommes dans le même bateau. Nous discutons ensemble des sacrifices à réaliser lorsque ça va mal et du partage des fruits de la croissance, lorsque ça va bien. Nous n'avons plus de conflits sociaux depuis huit ans et les élections sociales mobilisent 90 % de votants. Pour moi, c'est une belle réussite. »
Une Poult Académie au sein de l'entreprise
Tous les salariés ont accès à une formation continue régulière en interne, dans le cadre de la Poult Académie. Les ateliers permettent d'apprendre à goûter un produit, de comprendre une fiche de paye ou de prendre un cours de pâtisserie.
La Poult Académie a aussi passé des accords avec l'École des Mines d'Albi, dans le Tarn, pour que ses salariés puissent suivre des cours avec les étudiants en bio-industries.